Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Reportage: Mission APACHE avec la Marine Nationale

Mission APACHE avec la Marine Nationale

L'article suivant est issue d'un reportage sur des manoeuvres aéronavales effectué sur la BAN de Hyères. J'ai pu suivre ces exercices militaires grâce à l'invitation de la Société Apache CATS.

Ceci est la version web des articles parus dans Aviasport (numéro de Juillet-Août 2013, Apache contre Marine Nationale) et Air Forces Monthly (numéro d'Octobre 2012, Apache Hunters) - voir rubrique ci-dessus.

Un L-39 d'Apache CATS après une passe de tir sur la frégate "Cassard"

Un L-39 d'Apache CATS après une passe de tir sur la frégate "Cassard"

BAN d'Hyères, un matin de Décembre

Base Aéronautique Navale de Hyères - Le Palyvestre, le soleil de ce matin de décembre commence tout jute à éclairer la presqu’il de Giens, mais les tarmacs sont déjà le siège d’une activité intense.

Une large zone d’entrainement vient d’être ouverte en Méditerranée pour la réalisation d’exercices aéronavals de grande ampleur. Le porte-avion « Charles de Gaulle » et son escorte se trouvent notamment quelque part au large, prêts à se défendre contre des attaques aériennes simulées.

Au milieu du ballet des Rafales Marine, Bréguet Atlantique 2 et NH90, se trouvent 2 types d’appareils peu ordinaires sur les bases militaires françaises: en effet, une poignée de Hawker Hunter, L-39 Albatross et un Beechcraft Baron se tiennent également prêts à participer à la mêlée.

Il ne s’agit pas d’éléments d’une force aérienne étrangère invitée pour l’exercice. D’ailleurs, ces appareils ne portent aucune marque de nationalité, mais ils arborent une tête d’Apache sur leur camouflage, c’est l’emblème de la société Apache CATS.

L39 et Hunter à tête d'Apache
L39 et Hunter à tête d'Apache

L39 et Hunter à tête d'Apache

APACHE AVIATION

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le prix des avions de combat et de leurs équipements, toujours plus sophistiqués, n’a cessé d’augmenter.

En parallèle, la réduction des crédits alloués à la défense ces dernières décennies n’a fait qu’accroitre les problèmes budgétaires des états-majors. En particulier, le déploiement d’un escadron complet d’avions de combat de la quatrième génération représente un coût opérationnel que la plupart des pays ne peuvent plus se permettre, notamment pour des exercices militaires basiques.

Dans ce contexte, les gouvernements et responsables de la défense se sont mis à envisager des solutions alternatives pour mener à bien l’entrainement des pilotes et autres acteurs des forces armées.

Conscient de cette nouvelle problématique, Jacques Bothelin a créé Apache CATS (Combat Air Training Support[1]) en 2003, il explique ainsi:

“Avec des contraintes budgétaires grandissantes, les responsables des forces aériennes doivent identifier les besoins minimums requis pour remplir un certain éventail d’objectifs d’entrainement.

Le programme Combat Air Training Support (CATS) est une solution innovante pour reproduire la majorité des tactiques et profils d’attaques adverses en faisant appel à des unités plus petites et plus flexibles que les escadrons opérationnels, avec une même valeur ajoutée, et des coûts moindres”

Apache Aviation est à l’origine une compagnie spécialisée dans les meetings aériens. Les différentes patrouilles acrobatiques qu’elle produit sont bien connues des amoureux de l’aviation. Jacques a mis sur pied sa première patrouille de démonstration avec 2 CAP10 en 1980. S’en suivit la fameuse patrouille Martini avec 3 SF260; puis le passage à la turbine avec le PC7 sous divers sponsors. Aujourd’hui, la patrouille Breitling évolue sur 7 jets L39 dont Mr. Bothelin est le leader ; cette formation a effectué plus de 2800 démonstrations dans quelques 35 pays.

Afin d’ouvrir avec succès sa compagnie au marché de support des forces aériennes, des pilotes de chasse chevronnés justifiant d’une expérience opérationnelle significative ont été sélectionnés pour former l’équipe CATS.

Ainsi, 8 pilotes venant soit de l’Aéronavale ou de l’Armée de l’Air avec un minimum de 4500 heures de vol assurent le haut niveau professionnel nécessaire pour pouvoir évoluer au sein de dispositifs militaires.

Après une carrière bien remplie sur Super-Etendard, SEM, ou encore des avions de combat de 4 ou 4ieme++ génération comme le Mirage 2000 ou le Rafale, les membres de l’équipe sont capables de s’insérer dans n’importe quel schéma tactique en apportant le plus haut niveau de professionnalisme.

FLOTTE

Apache CATS peut mettre en œuvre une flotte d’une vingtaine appareils qui réalisent de manière réaliste une large gamme de simulations d’attaques dans un schéma de guerre moderne.

Parmi cette flotte, un bimoteur Beechcraft Baron 58 joue le rôle d’un avion non identifié se rapprochant de la flotte à faible vitesse. Cet appareil est particulièrement utile pour entrainer les équipages de la marine à réagir à l’approche d’un appareil non-armé qui voudrait tenter d’approcher le dispositif naval. Ceci est susceptible de se produire dans une situation de tension ou de crise internationale, alors que de tels aéronefs pourraient être utilisés pour le compte d’une chaine de télévision pour filmer le déploiement des navires de guerre.

Même si cet exercice peut paraître un peu en marge d’une activité militaire traditionnelle, ce n’est pourtant pas aisé pour le FAC (Forward Air Controller[2]) de convaincre l’intrus de quitter sa zone sans employer la force.

Un biturbine Fairchild SA-227TT Merlin 300 et un Pilatus PC7 sont aussi disponible pour le même type de mission dite AGOSSEX (Auxiliary General Ocean Surveillance Exercise) que le Baron.

Ces 3 avions servent aussi à la compagnie d’appareil de liaison.

Le reste de la flotte, soient 4 Hawker Hunter and 11 Aero Vodochody L-39C, est utilisé pour conduire des simulations d’attaque.

Les Hunters sont des vecteurs de menaces dites « grande vitesse », tandis que les L-39 sont dédiés à l’exécution de menaces « moyenne vitesse ».

En dépit de son âge respectable, le Hunter reste une plateforme idéale pour le boulot qui lui est confié. Il reste capable d’une exceptionnelle combinaison de manœuvres à grande vitesse, d’endurance, et de robustesse. Le Hunter peut tirer 7.5G avec ses 4 réservoirs supplémentaires de 1200 à 1400 litres sous les ailes. De plus, il est très fiable et sa maintenance est simple.

L’équipe CATS et leurs Hunter peuvent donc réaliser de façon réaliste une large gamme de scénarios tactiques qui seraient d’un intérêt limité pour les forces aériennes. Ainsi, les équipages militaires peuvent se consacrer aux missions dédiées spécifiquement aux aéronefs de technologie plus récente.

Les CATS évoluent sur 3 Hunters Mk58 monoplaces et un T.68 biplace, tous immatriculés au Canada.

Frank Pesudo, un des pilotes d’Apache CATS et ancien de l’aéronavale rapporte:

“Nos Hunters ont des performances plus ou moins équivalentes à celles du Super-Etendard. Cette similitude fait que la transformation sur le type est sans difficulté pour un ancien de l’Aéronautique Navale française. Le Hunter est aussi facile à maitriser pour des pilotes de l’Armée de l’Air ayant volé sur des avions comme le Mirage F-1. La qualification de type Hunter est habituellement de 6 heures de vols dont 3 en double, auxquelles il faut ajouter quelques cours théoriques au sol”.

Les L-39 Albatros du CATS ont été achetés et sont immatriculés en Estonie. Cet avion d’entrainement avancé et d’attaque légère reste largement utilisé au sein des forces aériennes des Républiques ex-Soviétiques, des anciens pays du Pacte de Varsovie, et aussi des pays en voie de développement. Cependant, beaucoup d’entre eux se sont retrouvés à la vente après la fin de la guerre froide.

Ainsi, contrairement aux jets similaires construits dans les pays occidentaux (comme l’Alphajet franco-allemand, le MB-339 italien ou le BAE Hawk britannique), le L-39 peut se trouver facilement sur le marché civil. 2800 exemplaires de cet avion tchèque sont immatriculés au registre tant civil que militaire.

OFFRES et CONTRATS

Le directeur-adjoint de la division Apache CATS, Emmanuel Delin, est titulaire de plus de 5300 heures de vol sur jet, dont 2000 sur Etendard IVP, 1000 sur SEM (Super-Etendard Modernisé) 700 sur Falcon 20 Guardian et environ 350 avec le Hunter.

Il est en charge du planning des activités liées aux programmes industriels et de défense:

“Apache Aviation a gagné son premier contrat de sous-traitance dans le domaine de le défense en 2005, par l’intermédiaire de l’agence NAVFCO, une société publique spécialisée dans le transfert de compétences de la Marine Nationale.

Nous avons réalisé des simulations d’attaques aériennes à plusieurs avions au bénéfice des équipages des frégates F3000S de la marine Saoudienne. Six L-39 Albatros avaient été déployés à Hyères, où les équipages saoudiens étaient entrainés.

Sachant que le département français de la défense était sur le point d’éditer un appel d’offre pour des missions en support de l’Aéronavale, nous savions qu’il nous fallait un avion de plus grande performance pour être un prétendant sérieux. »

Ainsi, 2 Hunter monoplaces, appartenant précédemment à la société canadienne « Northern Light », ont été acquis fin 2006 pour honorer le contrat juste signé avec la Marine Nationale.

Le Hunter est un chasseur transsonique d’une masse de 11340 kg maximum au décollage, capable d’un plafond pratique de 42000 pieds, et d’une vitesse de 600 nœuds avec 4 réservoirs supplémentaires de 1400 litres chacun:

“Dans la configuration avec 4 réservoirs externes, nous sommes capables de fournir entre 1 heure et demi et 2 heures et demi de présence opérationnelle en fonction du profil de mission et de la durée du vol de transit vers la zone d’exercice. Ceci correspond généralement à une capacité de 6 ou plus simulations d’attaques à haute vitesse, typiquement à 480 nœuds, mais aussi jusqu’à 600 nœuds, même à basse altitude.”

Le profil d’attaque constitue des runs de 40-miles reconstituant une approche de lancement de missile ou même des missiles de croisière eux-mêmes.

Cette faculté à combiner haute vitesse et très longue endurance est certainement une raison de la carrière prolifique du Hunter dans de nombreuses forces aériennes, d’abord comme appareil de supériorité aérienne, et ensuite comme avion d’attaque au sol.

Une autre caractéristique du Hunter est sa facilité de prise en main et sa docilité pour un appareil à aile en flèche de deuxième génération. Il se comporte aussi bien dans le tour de piste qu’à haute vitesse, et a de très bonnes caractéristiques de décrochage et vrille; ce qui n’était pas le cas de beaucoup de ses contemporains.

Toutes ces capacités rendent le Hunter extrêmement capable et crédible dans son rôle d’agresseur.

Par ailleurs, les 4 Hunter d’ Apache CATS sont qualifiés pour embarquer toute sorte de pods de guerre électronique fournis dans le cadre du contrat avec l’Aéronavale par JEWECS (un programme militaire qui gère les stocks de pods pour les pays de l’OTAN).

D’autres chasseurs-bombardiers retirés du service comme les Sukhoï Su-17 et 22, MiG-21 et 23, Kfir C2 et 7 ou encore McDonnell A-4 Skyhawk étaient aussi disponibles sur le marché, mais quasiment impossibles à mettre en œuvre en dehors du cadre d’organisations étatiques, principalement à cause de leur coût opérationnel élevé. Le Hunter est de loin le plus rentable et donc beaucoup mieux adapté à une structure civile avec des ressources limitées.

Un autre élément important dans le choix du Hunter a été la rencontre entre Jacques Bothelin et André Lortie. A l’époque, Mr Lortie était le leader des «Northern Light », une patrouille acrobatique sur Extra 300, passée ensuite sur L-39 (et maintenant dissoute). Il avait déjà une expérience dans le support externe aux forces aériennes et disposait d’une flotte de Hunter en excès pour sa propre compagnie. Il accepta d’accompagner Apache Aviation dans sa nouvelle entreprise de soutien aux forces armées bien au-delà de la vente de Hunter.

Un élément clé pour garder des coûts d’exploitation raisonnables est la maintenance qui peut être accomplie par une équipe réduite de mécaniciens.

“Le Hunter est extrêmement fiable et facile à entretenir”, commente Alexandre Roux, le chef mécano des CATS. “C’est une plateforme robuste construite autour d’une mécanique rustique. Mon équipe a la responsabilité de la disponibilité des avions pour répondre aux exigences du planning opérationnel.”

Lortie joue un rôle essentiel dans le maintien d’un haut niveau de disponibilité des Hunter en fournissant les pièces détachées aux CATS.

“Nous travaillons en flux tendu et le partenariat avec Lortie fonctionne très bien, particulièrement parce que le décalage horaire joue en notre faveur. Avec 6 heures de moins au Canada sur l’heure française, je peux obtenir n’importe quelle pièce de l’entrepôt Lortie en 48 heures maximum. Comme les Hunter sont immatriculés au Canada, Lortie Aviation signe les certificats de navigabilité”.

Actuellement, l’équipe au sol des CATS est composée de 5 personnes, Alexandre Roux inclus. Ils ont suivi un stage de 2 semaines leur permettant d’entretenir leurs Hunters de façon autonome. Chaque membre de l’équipe peut effectuer seul les inspections requises avant vol (pression des pneus, avitaillement, différents niveaux etc., jusqu’à la visite pré-vol extérieure) en 1 heure.

Un mécanicien Canadien est également sur place pour superviser et signer les opérations de maintenance.

Un autre atout est le faible nombre d’heures de vol effectuées par les Hunter avant leur achat par rapport à leur âge. De plus, les F.58 et T.68 ont été continuellement modernisés tout au long de leur vie opérationnelle jusqu’à leur retrait des Troupes d’Aviation Suisses au milieu des années 90.

En outre, depuis le début de leur carrière civile, les cockpits des Hunter ont été rétrofiés avec de nouveaux instruments comme un GPS avec moving maps et un HSI électronique (Electronic Horizontal Situation Indicator). Ils sont certifiés IFR selon les standards Canadiens. Avec un tel standard d’équipement, ces avions peuvent mener à bien leur mission de simulation de frappe avec précision quasiment par tous les temps.

En 2010, à la fin d’un contrat initial de 4 ans, la Marine Nationale a renouvelé sa confiance en Apache CATS en signant avec l’entreprise une nouvelle collaboration pour 4 ans.

Donc, jusqu’en 2014, les Hunter et les L39 vont honorer 2 types de contrats:

« Contrat sud », conjointement avec la flotte de la Méditerranée (depuis Istres Le Tulle, Marignane ou la BAN de Hyères)

« Contrat nord », sur la façade Atlantique, au départ de la BAN de Lann-Bihoué (à côté de Lorient, où est basée la Flottille 12F et ses Rafale Marine) ou de la BAN de Landivisiau.

Les installations d’Apache CATS se trouvent à Istres. Si aucun détachement permanent n’est maintenu sur les autres bases, la flotte peut être cependant rapidement convoyée vers n’importe quel lieu d’exercice.

SESSION D’ENTRAINEMENT POUR L’AERONAVALE

Pour l’exercice auquel Apache CATS m’a permis d’assister, pas moins de 11 Rafale M de la Flottille 12F, (ayant activement à l’opération Harmattan en aide aux révolutionnaires Libyens en 2011) ont été déployés à Hyères. Ils ont soit un rôle de défenseur, soit un rôle de vague d’attaque principale.

Les Bréguet Atlantique 2, grâce à leurs radars Iguane, peuvent être utilisés pour le repérage de cible en surface.

Les 6 appareils d’Apache (3 L-39, 2 Hunter et le BE58 Baron) agiront en vagues d’attaques indépendantes.

Jour 1:

Dans le scénario du jour, les CATS, au sein de l’équipe des « Rouges », sont chargés de l’attaque de la frégate anti-aérienne “Cassard”. Les L-39 simuleront une attaque à vitesse moyenne, avec l’usage d’armes conventionnelles non-guidées.

Bien sûr, une force navale de dernière génération, avec équipements radar à la pointe de la technologie et sa couverture aérienne, n’est pas supposée être réellement inquiétée par ce type de menace. Néanmoins, les équipages de la Marine doivent être familiers avec toute forme d’agression potentielle, et le L-39 demeurant largement en service à travers le monde est particulièrement adapté à ce type de missions[3].

Les pilotes sont Frank Pesudo, leader et François Ponsot, ailier. Préparation de la navigation et du profil d’attaque: multiples passes de bombardement en piqué, ou tir de roquettes ou au canon sur la cible principale et unités secondaires éventuelles.

Emmanuel Delin est en communication constante avec le bureau des opérations pour être en mesure de s’adapter aux demandes de dernière minute:

“Nous devons être très flexibles et réagir aux changements de plan de vol dans un délai très court, parfois peu avant le briefing”.

Après le briefing, nous enfilons nos combinaisons anti-G. Celles-ci sont gonflables et de couleur orange, afin d’accroitre à la fois la durée de survie et la visibilité du pilote par les unités SAR (Search And Rescue) en cas d’éjection en mer.

Le “Cassard” se trouve approximativement à 20Nm au sud du porte-avions “Charles De Gaulle” et son escorte rapprochée (constituée principalement de la frégate de défense anti-aérienne “Chevalier Paul”).

Décollage derrière une paire de Rafale, puis rassemblement en patrouille. Après les Îles du Levant, les 2 L-39 se mettent en patrouille serrée et descendent à 100 pieds Mer avant d’entrer dans la « Zonex » (Zone d’exercice).

Un Atlantique 2 nous fournit un relevé des positions des différents navires et une estimation de l’intervisibilité radar du jour.

La mission débute par de l’ « Agacex » (exercice d’agacement): la paire de L-39 pénètre dans la zone de couverture radar du navire de guerre pour en sortir immédiatement, la manœuvre est répétée plusieurs fois en provenant chaque fois d’un nouveau secteur d’approche. Cette posture pré-offensive remplit deux fonctions: stresser la chaine de défense par des mises en alerte répétées et créer l’impression que des attaques multiples peuvent survenir tout azimut.

Par ailleurs, dès que nous avons été localisés, une patrouille (ou CAP: Combat Air Patrol) de 4 Rafale ‘Bleus’ a probablement été dirigée vers nous pour nous annihiler, délaissant ainsi un autre secteur de protection de la flotte.

En effet, 2 Rafale faisant comme nous partis du dispositif ‘Rouge’ arrivent par le sud-ouest, menaçant le “Charles De Gaulle” avec leurs redoutables AM-39 Exocet.

L’objectif principal (ou HVU: High Value Unit) de la vague d’attaque ‘Rouge’ est bien entendu le porte-avion.

Pour que l’exercice ait tout son intérêt, les opérations militaires de camp ‘Bleu’ et leurs contrôleurs aériens ignorent tout de la composition de la force ‘Rouge’ et de son plan d’attaque. Les Rafale, qui constituent la capacité offensive principale, attendent d’avoir la voie libre pour frapper.

Notre tache d’harassement accomplie, notre patrouille de L-39 débute son rôle offensif.

Régime turbine poussé à 102% (ie puissance maximum continue autorisée pour le L-39), nous nous approchons du “Cassard” à 340 nœuds, 100ft au-dessus du niveau de la mer.

Notre attaque est coordonnée avec celle de 2 Alpha Jet ‘Rouge’ partis de la BA701 de Salon-de-Provence, qui vont simultanément faire un passage de largage de bombes sur le “Charles De Gaulle”.

A 3Nm de la cible, alors que celle-ci vient d’apparaître à l’horizon, les L-39 effectuent une brusque altération de cap d’environ 30°, ailes remises à plat, une montée sous 45° nous emmène à environ 3500ft au-dessus de la mer, à 1,5Nm de la poupe de la frégate ; une position idéale pour une attaque à la bombe conventionnelle (et également idéale pour l’entraînement des canonniers du bateau…). Ensuite, le largage (virtuel) de la se fait dans un piqué d’environ 20°.

La manœuvre est répétée et suivie de deux passages de tir canon.

Ces 4 passages ont permis au navire de dérouler toute sa séquence de défense anti-aérienne: détection, accrochage de la cible, destruction. De plus, pendant nos évolutions d’attaque, j’ai pu observer que le «Cassard» était constamment en manœuvre afin de se présenter aux avions selon son axe longitudinal, offrant ainsi la cible la plus petite possible.

Ce type d’engagement représente un temps de vol d’environ 1h30min, dont plus de 45min dans la Zonex; avec les réservoirs supplémentaires sous les ailes, les L-39 ont constamment maintenu une vitesse entre 320 et 340 nœuds dans les phases de combat.

Après un retour par le littoral de la côte d’Azur, report à 2000ft vertical de la BAN avec un break pour casser la vitesse, pour un atterrissage à 100 nœuds.

Passage par St-Tropez au retour

Passage par St-Tropez au retour

Jour 2:

Aujourd’hui, notre paire de L-39 (indicatifs Apache 25 et 26) est cette fois assignée à une attaque à la bombe freinée sur le “Jean Bart” (le sistership du “Cassard”) et le “Chevalier Paul”[4]

Emmanuel Delin sera le leader, et François Ponsot l’ailier.

Le profil de mission est similaire, mais le passage sur la cible s’effectue en vol horizontal. Le TOT (Time On Target) est minutieusement synchronisé avec une paire de Rafale ‘Rouge’, afin que les L-39 frappent juste après que les fusées air-mer AM-39 soient supposées avoir atteint les bateaux.

Durant cette phase d’exercice à la guerre aéronavale, 2 paires of Mirage 2000 RDI venus de la BA115 d’Orange-Caritat rejoignent l’équipe des défenseurs ‘Bleus’.

Pendant tout ce temps, nous avons sans aucun doute été shootés virtuellement en BVR (Beyond Visual Range, c’est à dire sans que les pilotes des chasseurs ne nous aient identifié visuellement). Je n’ai vu aucun autre chasseur-bombardier ou intercepteur, mais des “Fox 3 sur Block Zéro”[5] on été annoncés à la radio par les ‘Bleus’ dans notre secteur pendant nos évolutions à basse altitude.

En outre, les missiles air-mer Tartar SM-1MR embarqués par le “Cassard” ou encore le très sophistiqué PAAMS (Principal Anti-Air Missile System) associé aux lance-missiles Aster du “Chevalier Paul” ont à coup sûr verrouillé les L-39 durant l’assaut.

Mais pas de sinistre “Apache 26, vous êtes morts !” à la radio comme dans Top Gun. Ici, on rentabilise les séances d’entrainement, et il est bien plus utile de laisser un appareil exercer les maillons successifs de la chaine de défense ‘Bleue’ plutôt que de le retirer de la ‘zone de guerre’. Obliger un avion ‘descendu’ à rejoindre sa base pour ensuite redécoller en simulant un nouvel agresseur pourrait avoir du sens pour entrainer son pilote, mais ce n’est pas l’objet du contrat des CATS:

Franck Pesudo: “Nous ne volons pas dans le but de nous entrainer nous, nous sommes entièrement dédiés à l’entrainement des équipages de la Marine; nous maximisons le nombre de passes d’attaque pour solliciter de façon continue les contrôleurs avancés, les pilotes, et les servants des navires de guerre sur toute la durée de la sortie. Pour celà nous nous accommodons de n’importe quelle demande issue du bureau de coordination de l’entrainement”.

Les 3 L-39 déployés par les CATS auront réalisé au moins 2 sorties par jour chacun sur les 3 jours qu’aura duré l’exercice.

Le biplce Hunter T. Mk68 au parking devant l'escale militaire

Le biplce Hunter T. Mk68 au parking devant l'escale militaire

Les Hunter ont quant à eux été dédiés à des taches de simulation d’attaque par missile de croisière au crépuscule ou de nuit.

Le départ en mission à bord du Hunter est évidemment une expérience unique.

A première vue, les entrées d’air triangulaires à l’emplanture des ailes évoquent les jets de première génération comme les Hawkers Sea Hawk ou Grumman Panther.

Néanmoins, le Hunter est certainement un des avions à aile en flèche de deuxième génération le plus élégant, même si la version biplace a un aspect quelque peu trapu, du à une configuration côte à côte. Cette disposition du cockpit, très répandue sur les jets d’entrainement primaire produit en Europe de l’Ouest avant les années 80 (Cessna T-37, Jet Provost, Saab 105 etc.), est plus surprenante sur une machine d’entrainement avancé.

Visuellement, la version biplace diffère aussi du MK58 monoplace par un nez allongé.

Dans le cockpit du T Mk.68 immatriculé C-FUKW, on trouve 2 sièges éjectables Martin Baker Mk.4. En dépit de leur accélération de 19G moins progressive que sur des versions plus récentes, ils ont néanmoins une capacité 0-90 (c’est à dire que les critères minimaux d’utilisation sont une hauteur de 0 et une vitesse de 90 KIAS).

Les équipements IFR récents donnent à la planche de bord une allure relativement moderne. Cependant, l’agencement du cockpit est plutôt désorganisé. Il donne l’impression que les cadrans, leviers et contacteurs ont été disposés au hasard de la place trouvée dans ce cockpit étroit.

Les anciennes versions du Hunter étaient pourvues d’une cartouche de démarrage à base de cordite. Quand la cartouche était mise à feu, une fumée noire jaillissait sous le ventre de l’appareil. Les Hunter des Apaches ont été équipé avec de démarreurs électriques, ce qui réduit considérablement le besoin en équipement et équipe au sol. Entre autre, le risque inhérent aux dispositifs pyrotechniques tels que l’éventualité de devoir se ruer sur les extincteurs a été écarté.

Le réacteur démarre donc facilement et nous sommes prêts à taxier après avoir déroulé les checks et basculé quelques switchs.

Contrairement aux turbines de moindre puissance, le Rolls-Royce Avon 203 de 4,5 tonnes de poussée du T Mk68 produit une accélération franche.

Frank Pesudo sera le leader à bord du F.Mk58, et Emmanuel Delin pilote le T.Mk68 en tant qu’ailier.

La patrouille évolue à 500ft au-dessus de la mer (marge de sécurité accrue pour les vols nocturnes), en réalisant des trajectoires de vol propres aux vecteurs de missiles de croisière. Les 2 Hunters restent en vol pendant 1h20min dans des conditions de vol de nuit plutôt difficiles. Un orage s’annonce au large, donnant au ciel et à la mer une égale couleur sombre. Quelques lumières de ferry et pétroliers survolé à 450 nœuds apportent parfois une meilleure référence visuelle. La mission terminée, nous rentrons à l’aérodrome du Palyvestre. Après une approche directe sur la 31 au-dessus de la rade d’Hyères, Emmanuel Delin sort le parachute-frein dès le touché des roues et nous nous arrêtons finalement en quelques 800m (sur les 1800m utilisable pour l’atterrissage).

En 7 années de participation aux simulations de crise ou de guerre, les L-39 et Hunter de CATS ont démontré leur parfaite capacité à s’intégrer dans des dispositifs comportant parfois plus de 30 avions, et recréant des scénarios d’engagement complexes.

Apache CATS est accrédité confidentialité OTAN, mais ne restreint pas ses activités aux seuls contrats militaires. Apache fournit également un support aérien aux compagnies civiles, pour le test et les démonstrations de systèmes aéroportés, par exemple.

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier chaleureusement toute l’équipe d’Apache CATS pour leur accueil, leur patience, les réponses à mes questions, le briefing siège éjectable etc.

Je suis également reconnaissant à la direction d’Apache pour les vols effectués sur leurs avions.

[1] Peut être traduit par: Soutien à l’Entrainement au Combat Aérien

[2] ‘Contrôleur Aérien Avancé’: coordonne les mouvements des aéronefs et leur attaque sur une zone de combat exclusivement, en eux fonction des mouvements des unités au sol (ou des navires de combat)

[3] Même si l’équipement des marines militaires sont bien plus évolués qu’il y a 30 ans, on se souvient qu’un MB339 isolé de l’Armada Argentine avait réussit à endommager une frégate de la Royal Navy en tirant les salves de ses 2 paniers de roquettes durant la guerre des Malouines en 1982.

[4] Un destroyer furtif de la classe Horizon, mis en service en Juin 2009. Elle et sa sistership “Forbin” forment un composant majeur de la défense de la flotte.

[5] Fox 3 = tir de missile à radar actif comme le MICA EM

Block 3 = cible évoluant entre 0 and 10000 ft

ANNEXE 1 : Le Hawker Hunter


Conçu à l’origine par Sir Sydney Camm (dont les autres fameuses réalisations inclus le Hurricane, le Tempest et le Harrier) dans les années 50, le dernier Hunter a quitté la chaine d’assemblage de Dunsfold en 1976. C’est l’avion militaire britannique le plus construit après guerre avec près de 2000 unités produites par Hawker Siddeley ou sous licence.


Sa structure monocoque est d’une résistance incroyable et a permis l’adaptation de moteurs toujours plus puissants au fil des versions. L’apogée de la série, la version Mk58 développée pour la Suisse (et dont est doté Apache CATS), a été équipée d’un réacteur Rolls-Royce Avon Mk 207 à 15 étages développant plus de 4,6 tonnes de poussée au banc.


Même si ce moteur est dépourvu de post-combustion, on est proche des 4,8 tonnes de poussée « à sec » du General Electric J79 développé spécifiquement pour le célèbre intercepteur de classe Mach 2 F-104 Starfighter.


Avec un poids à vide de 6,4 tonnes, il en résulte que le Mk58 a un ratio puissance sur poids relativement élevé.

Le Mk58 dispose de plus de commandes hydrauliques.


Avant sa nouvelle vie au sein d’opérateurs privés sous contrat de la marine, le Hunter a eu une carrière opérationnelle remarquable, et a pris part à de nombreux conflits: l’armée de l’air Indienne l’a utilisé intensément durant les 2 guerres Indo-Pakistanaises en 1965 et 1971.


Au Moyen-Orient, le Liban, la Jordanie et l’Irak l’ont mis en œuvre face à Israël. Pendant la guerre des 6 jours et la guerre d’attrition, les pilotes de Hunter des forces Arabes auraient descendu plusieurs appareils de la force aérienne de l’état Hébreu, dont un redoutable Mirage IIICJ capable de 2 fois la vitesse du son.


Le Hawker Hunter n’est pas complètement retiré du service actif: même aujourd’hui, certains resteraient en état de vol au sein de forces aériennes nationales. Le Liban a remis en service actif 4 de ses Hunter en 2007.


Bien que les Hunter aient probablement effectués leurs dernières sorties de combat avec l’armée de l’air du Zimbabwe (en soutien à Laurent Kabila pendant la seconde guerre du Congo à la fin des années 90), on suppose que les Hunter Zimbabwéens ne sont maintenant plus en état de vol par manque de pièces détachées.


ANNEXE 2 : Les PILOTES d’APACHE CATS


Emmanuel Delin (ex-Aéronavale), responsable du secteur Défense d’Apache:

Environ 5300 heures de vols (2000 sur Etendard IVP, 1000 sur SEM (Super-Etendard Modernisé) 700 sur Falcon 20 Guardian plus de 350 sur Hunter. Autres avions pilotés: Falcon 200 Guardian, Tucano, BE58 etc.).

Expérience opérationnelle en temps de crise et guerre: Bosnie, Kosovo, Afghanistan


Franck Pesudo (ex-Aéronavale), adjoint du secteur Défense d’Apache:

Environ 4600 heures de vol (2200 sur Super-Etendard/SEM, plus de 200 sur Hunter, plus de 100 sur L-39. Autres avions pilotés: Rafale, Haweye, Alpha Jet and Falcon 200 Guardian, BE58 etc.).

538 appontages, dont 103 de nuit. Officier d’appontage.

Expérience opérationnelle en temps de crise et guerre: Bosnie, Kosovo, Afghanistan


François Ponsot (ex-Armée de l’Air):

Plus de 5600 heures de vol (4200 sur Mirage 2000 RDI, environ 1300 sur L-39, 600 sur Mirage F-1. Autres avions pilotés: CAP10, Fouga Magister, Alpha Jet etc.).

Il a rencontré Jacques Bothelin pendant la saison des meetings de l’année 2000 alors qu’il était pilote du Mirage 2000 solo display. En plus de son activité au sein d’Apache CATS, il est pilote dans la patrouille Breitling Jet Team.

Expérience opérationnelle en temps de crise et guerre: Tchad, Golf Persique, Bosnie