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Perspectives spatiales 2019

Publié par JS Seytre

 

Photo EUROCONSULT - Perspectives Spatiales 2019

Le discours d’introduction d’Eric Trappier (en tant que président du GIFAS) met l’accent sur la capacité de l’Europe à mener à bien de grands projets dans le domaine de l’espace, avec notamment Galileo qui est maintenant connecté à 650 000 000 de terminaux. Néanmoins, malgré ses succès, l’Europe spatiale reste fragile face aux autres acteurs massivement subventionnés par les états. La continuité de Copernicus et Galileo reste donc une priorité pour 2019, en parallèle de grands chantiers tels qu’une nouvelle feuille de route pour la sécurité spatiale, face à la montée en puissance des constellations et du risque cyber.

  • F. Vidal (ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation) a quant à elle évoqué l’adoption d’un nouveau plan spatial européen pour 2019. Les états seuls ne peuvent porter les grands projets spatiaux, et a contrario, le « new space » européen ne se fera pas sans le savoir-faire des entreprises traditionnelles du spatial. Des initiatives telles que « Ariane Work » ont été mise en place à cet effet. La puissance publique jouera son rôle moteur et incitateur en augmentant le budget du spatial, avec également un retour géographique de certaines technologies.

 

  • J-Y Le Gall (président CNES) a quant à lui souligné que les ambitions du programme spatial Français est de rester à la fois leader et moteur européen. Environ 1 tiers des 4,5 milliards d’Euros de chiffres d’affaires du spatial européen vient de la France. Les exemples de nouveaux programmes ne manquent pas, avec notamment CSO-1 (Composante spatiale optique) lancé en Décembre 2018 et réalisé par TAS et ADS, qui s’affiche comme le satellite d’observation militaire le plus performant du moment. Copernicus (satellites Sentinel construits par TAS), quant à lui, est probablement le système d’observation de la Terre le plus avancé en service. En 2018, 80% de l’investissement spatial dans le monde était encore étatique. D’autre part, la 4ieme révolution industrielle de la numérisation et la mondialisation va de plus marquer les programmes spatiaux.

 

  • J. Wörner (président ESA) a passé en revue les projets qui seront présentés au prochain conseil ministériel :

 

      • Science et exploitation
      • Sûreté et sécurité
      • Observation, navigation et télécom
      • Conduite opérationnelle des missions

Ces 4 piliers s’appuient sur une multitude de programmes (ex.: Athena pour l’exploration des trous noirs ; participation à Lunar Gateway, avant poste en orbite lunaire etc.).

Suite à ces discours de présentation générale, comme à l’habitude, divers sujets ont été abordé sous forme de débat entre les intervenants.

        •             Infrastructures spatiales et territoires européens

P. Ky (président de l’EASA): à terme, l’aviation devrait s’affranchir des réseaux terrestres (VHF, radar etc.), ce qui pose la question de la certification réglementaire. Les vols suborbitaux (Stratobus etc.) et de manière générale l’espace aérien supérieur (au-dessus de 60 000ft) devront être réglementés entre aéronautique et espace. Boeing annonce par ailleurs un premier avion commercial autonome (cargo) pour 2025. La règlementation adéquate (prenant en compte la fiabilité des liaisons satellitaires) devrait être mature à l’horizon 2025-2030.

B.Belmer (EUTELSAT) a présenté les actions de développement du segment spatial en tant  que complément des infrastructures terrestres qui peinent à fournir de l’internet très haut débit sur la totalité du territoire. Le concept VHTS (Very High Throughput Satellite), répond à ce besoin, et le satellite actuellement en développement sera exploité en collaboration avec Orange, ce qui souligne par ailleurs un partenariat naissant entre réseaux terrestres et télécoms spatiales. Une telle synergie apparait maintenant comme totalement indispensable au développement futur des télécom. D’autre part, il faut signaler que l’Europe manque de terminaux pouvant exploiter le haut débit par satellite. Ces terminaux devront être partagés dans les zones à faible densité et faible pouvoir économique. Un tel développement est fondamental pour pouvoir remplir les capacités des satellites VHTS. Le 2ieme concept se traduit par le projet Hello de constellation orbite basse en basse fréquence pour connecter directement les objets entre eux via satellites (IoT), les 4 premiers satellites commerciaux (suivant un démonstrateur) devraient être lancés en 2020.

J-M Gardin (Téléspazio) rappelle également que les nouveaux programmes se situent dans une démarche à acteurs multiples, contrairement à la logique de réponse à des appels d’offres étatiques qui prévalaient il y a encore à une dizaine d’années.

R. Pacome d’EUROCONSULT a également présenté un bilan de l’année spatial 2018 : il y a eu 463 satellites lancés, entre autres 20 start-up ont lancé leur premier satellite. Certaines start-up créés il y a environ 4 ans pour la réalisation et la transcription économique de leur concept entrent maintenant en activité. OneWeb est maintenant financé à hauteur de 1,25 milliards de dollars. En contre partie, seulement 8 GEO ont été commandés.          

        •             Enjeux de sécurité et de Défense dans l’Espace

Le contexte actuel est fortement marqué par : La mise en place d’une « space force » par Trump, la destruction d’un satellite par l’Inde à l’aide d’un missile, et la Russie qui continue l’espionnage des géostationnaires avec les satellites Lutch opérés par le FSB. Cette utilisation d’un satellite pour en surveiller (voir brouiller) d’autres peut être rangée dans la catégorie plus larges des « Menaces opérationnelles ». Ce type d’activité spatiale existe depuis une dizaine d’années, avec un accroissement de la menace depuis 4 ans. Certaines capacités comme les satellites Chinois SJ3 à 7 sont présentées comme scientifiques mais cachent en fait des capacités militaires.

Les menaces externes sont prises en compte dès la conception pour assurer la résilience des systèmes : résilience intrinsèque, par la conception des sous-systèmes, ou résilience externe, en trouvant des stratégies pour éviter d’être la cible d’attaques.

De son côté, Arianegroup s’est doté du système « géotracker » qui a entre autre participé à la détection de Lutch. Il y a eu aussi 250 essai de tirs de missiles balistiques en 2018; ces tirs peuvent être repérés depuis l’espace.

L’ONERA avait crée un concept / outil avec juste 30 millions d’Euro pour observer et éventuellement aller chercher des objets en orbite (Grave). Un contrat a été signé avec la défense pour maintenir ce système jusqu’en 2030. Avec l’optique adaptative, l’ONERA maîtrise également la technologie de correction d’un signal optique (qui traverse l’atmosphère par ex.). Ceci permet également d’envisager des armes non-destructives à tir dirigé à bord des satellites.

D’autre part, les « Wargames” mis en place par l’armée montre le besoin d’une meilleure coopération entre le cyber et le spatial. Il y a aussi un risque de détection de mouvement par l’adversaire, avec des taux de revisite très élevés qui permettent quasiment la détection de mouvement en temps réel. Ce nouveau type d’observation de force adversaire est maintenant présent y compris dans les conflits asymétriques. Daesh a par exemple prouvé son adaptabilité à la guerre moderne du renseignement avec l’utilisation massive de drônes pour l’observation de forces adversaires.

Parmi les nouveaux projets, on peut citer celui de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) qui a passé un contrat avec ADS pour la réalisation de satellites d’observation : une plateforme générique (autour de 150kg) a été développée sur une base OneWeb et serait parfaitement adapté à la surveillance. Par ailleurs, TAS s’investie dans le new space avec une constellation de 40 satellites fabriqués par une start-up canadienne pour créer un système de surveillance de l’espace. Ces satellites auront eux-mêmes un système de surveillance de leur environnement proche. TAS espère vendre les data à l’armée française. TAS est également actionnaire de « Black Sky » (constellation de 60 satellites pour l’observation de certains points sur le globe). Sue le plan européen, la sécurité et un programme commun européen de défense spatiale sont au cœur des sujets de discussions actuelles.

 

        •             Place de l’Europe spatiale en 2019 et Accès autonome à l’espace pour l’Europe

P. Papantoniou (chef unité Galileo et EGNOS à la commission européenne) rappelle que la commission donne les orientations en termes de budget, agenda, et contrôle des programmes de l’ESA. Elle assure la visibilité à long terme des projets et orientations en déclinant les tâches de mise en œuvre. Pour Copernicus, le budget actuel est de 16 milliards d’Euro.

En France, l’OPECST (Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, constitué de 6 députés, 6 sénateurs) est un office parlementaire pour la réflexion sur des sujets actuels, dont le spatial. Des notes ont été réalisées telles que sur l’exploration de Mars ou les lanceurs réutilisables. Cette dernière met en avant une nécessité une préférence européenne marquée de s’orienter vers la technologie de lanceurs réutilisables.

 

Il y a donc 3 sujets majeurs pour la direction lanceur du CNES en 2019:

    • Terminer le pas de tir d’Ariane 6 (pour lequel le CNES est maître d’œuvre)              
    • Lancer l’industrialisation d’Ariane 6, avec les 14 premiers exemplaires
    • Préparer le futur d’Ariane 6. Majoritairement une question de coût pour le futur de la production (20% de moins sur Ariane 6 entre 2020 et 2022). Ariane Next devra être encore 50% moins cher, et donc également ré-utilisable; les démonstrateurs (dont Callisto) sont prometteurs

La première Ariane 6 sera un lancement OneWeb fin 2020 (TBC). Il y a aussi quelques frémissements visibles de la reprise des lancements géostationnaires. Mais sans volonté publique, il n’y a pas de socle assez stable même pour le meilleur des lanceurs. La demande publique américaine est actuellement très forte et boost par sa puissance de feu les acteurs tels que Space X. Notons qu’en en 2018, la totalité des 39 lancements chinois était étatiques. La volonté publique est d’autant plus nécessaire pour le développement d’un lanceur réutilisable que le business modèle est viable pour un minimum de 10 tirs par ans. En 2018, il y a eu seulement 11 lancements européens. Si ce chiffre est stable, il contraste néanmoins avec la forte augmentation des lancements aux USA (21) et en Chine. L’ESA est ouvert à la mise en place d’un tel marché captif du lancement. Le droit de vote pour les grands projets (1 voix par état, quelque soit le montant de sa participation financière) devrait d’autre part être amélioré pour accélérer le processus de décision.

L’accès à l’espace pour des besoins de souveraineté n’empêchera pas par ailleurs le soutien d’initiatives privées qui iraient dans le sens de la feuille de route spatiale européenne.

 

•             L’Écosystème spatial européen

Tour d’horizon de quelques projets innovants :

  • Exotrail développe une propulsion pour les petits satellites. La société a été créée l’an dernier avec 6 millions d’Euro. Premier moteur embarqué sur un 6U à la fin de 2019.
  • TerraNIS a 5 ans d’expérience, fondé par 2 anciens d’Airbus pour l’exploitation des images satellites pour l’agriculture. Les données d’observation de la Terre ont d’autant plus de valeur qu’elles sont couplées avec les données locales. Par exemple, TerraNIS a un employé au Chili qui développe un service pour le vignoble chilien. Cette expertise métier de proximité est la meilleure valeur ajoutée pour lutter contre les GAFA.
  • Le CNES soutient pas moins de 50 start-up du domaine spatial à travers son pôle de financement alternatif.
Photo EUROCONSULT - Perspectives Spatiales 2019

Comme chaque année, EUROCONSULT a permis à travers Perspectives Spatiales de faire un tour d’horizon des différents secteurs d’activité du domaine de l’espace. Si les acteurs traditionnels sont parfois confrontés à une baisse du dynamisme commercial et la nécessité de se réinventer, l’espace reste néanmoins un secteur ambitieux toujours en plein essor.